BRECHT LE VOYANT
Ce texte a été écrit en 1932. Il est bluffant d'acuité sur l'avenir.
Vous pouvez le trouver dans Ecrits sur la politique et la société (1919-1950), parus à l'Arche.
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Le prolétariat n'est pas né en gilet blanc.
Bref : quand la culture, en plein effondrement, sera couverte de couillures, presque une constellation de souillures, un véritable dépotoir d'immondices ;
quand les idéologues seront devenus trop abjects pour s'attaquer aux rapports de propriété, mais trop abjects aussi pour les défendre, et que les seigneurs qu'ils auraient bien voulu, mais n'ont pas pu servir, les chasseront ;
quand, les mots et les concepts n'ayant quasiment plus rien à voir avec les choses, les actes et les rapports qu'ils désignent, on pourra soit changer ceux-ci sans changer ceux-là, soit changer les mots tout en laissant les choses, actes et rapports inchangés ;
quand il faudra, pour pouvoir espérer s'en tirer avec la vie sauve, être prêt à tuer ;
quand l'activité intellectuelle aura été restreinte au point que le processus d'exploitation lui même en pâtira ;
quand on ne pourra plus laisser aux grands caractères le temps qu'il leur faut pour se renier ;
quand la trahison aura cessé d'être utile, l'abjection d'être rentable, la bêtise d'être une recommandation ;
quand même l'insatiable soif de sang des curés ne suffira plus et qu'ils devront être chassés ;
quand il n'y aura plus rien à démasquer, parce que l'oppression s'avancera sans le masque de la démocratie, la guerre sans celui du pacifisme, l'exploitation sans celui du consentement volontaire des exploités ;
quand régnera la plus sanglante censure de toute pensée, mais qu'elle sera superflue parce qu'il n'y aura plus de pensée ;
oh, alors la culture pourra être prise en charge par le prolétariat dans le même état que la production : en ruines.
ce jour approche...
Vous pouvez le trouver dans Ecrits sur la politique et la société (1919-1950), parus à l'Arche.
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Le prolétariat n'est pas né en gilet blanc.
Bref : quand la culture, en plein effondrement, sera couverte de couillures, presque une constellation de souillures, un véritable dépotoir d'immondices ;
quand les idéologues seront devenus trop abjects pour s'attaquer aux rapports de propriété, mais trop abjects aussi pour les défendre, et que les seigneurs qu'ils auraient bien voulu, mais n'ont pas pu servir, les chasseront ;
quand, les mots et les concepts n'ayant quasiment plus rien à voir avec les choses, les actes et les rapports qu'ils désignent, on pourra soit changer ceux-ci sans changer ceux-là, soit changer les mots tout en laissant les choses, actes et rapports inchangés ;
quand il faudra, pour pouvoir espérer s'en tirer avec la vie sauve, être prêt à tuer ;
quand l'activité intellectuelle aura été restreinte au point que le processus d'exploitation lui même en pâtira ;
quand on ne pourra plus laisser aux grands caractères le temps qu'il leur faut pour se renier ;
quand la trahison aura cessé d'être utile, l'abjection d'être rentable, la bêtise d'être une recommandation ;
quand même l'insatiable soif de sang des curés ne suffira plus et qu'ils devront être chassés ;
quand il n'y aura plus rien à démasquer, parce que l'oppression s'avancera sans le masque de la démocratie, la guerre sans celui du pacifisme, l'exploitation sans celui du consentement volontaire des exploités ;
quand régnera la plus sanglante censure de toute pensée, mais qu'elle sera superflue parce qu'il n'y aura plus de pensée ;
oh, alors la culture pourra être prise en charge par le prolétariat dans le même état que la production : en ruines.
ce jour approche...