Désert

Publié le par Les rebouteux

DESERT

 



 


  Ça me rappelle cet homme, un américain je crois, je ne me souviens plus de son nom. Il s’était mis en tête de traverser seul le désert nord africain, commençant par le Maroc pour parcourir en ligne droite l’immense étendue aride et mortifère jusqu’à la Mer Noire.


            Ses chameaux clamsaient les uns après les autres, il fut même mordu par l’un d’eux, devenu subitement enragé.


Il avait emporté une caméra avec lui, il s’était entraîné quatre ans en seule vue de ce périple, des images, une preuve, il n’avait pas supporté la décrépitude et la mort soudaine de son grand-père, il voulait vaincre la mort, le vieux mythe, au grain, cela semblait être du super-8, il s’est coupé de tous pour pouvoir tout emporter dans le désert ; lui, sa caméra – et les chameaux qui tombaient.


            Il devait être fou. Ses images étaient fascinantes. Le désert irradiait, faisait fondre toute forme de vie pour ne laisser que des os. Il fut un lézard, il fut un bovin. La continuelle quête d’eau, la terrible guerre avec le soleil, les plaies et le sable. Il marchait droit, l’idée en boucle. Des soldats tentèrent bien de l’arrêter, songeant à le fusiller, mais c’était là un songe de trop, il avait un combat à gagner et beaucoup à marcher ; sans plus de manière, il s’échappa.


            Et toujours, la lumière brûlante, l’ombre qui s’en détachait, un autre chameau de tombé.


            Lui, dans son jean, la gueule ruisselante, filmait quand il pouvait, forçat de sa folie. Nous montrer son combat, graver sa victoire. Il ne criait pas, c’était tout comme, méthodique, il avançait, souffle froid dans le désert.


            Puis la mer apparut. « ça y est » dit-il.


            Trois ans plus tard, alors qu’il renouvelait l’expérience, il mourut dans le désert.


            Il voulut être l’homme qui vainquit la mort. Je n’en sais pas plus sur son compte. Souvent, ses images m’assaillent, les cadavres de lézards comme happés par la terre craquelée, l’herbe sèche, les arbres morts, un rocher qui prodigue son ombre. Son désert m’habite, son désert survit.


           Il était américain je crois, je ne me souviens plus de son nom.

 

 

 

 


Publié dans Archives ancestrales

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R
Et moi j'ai parfois de grosses interversions géographiques dans ma caboche.
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J
y a vraiment des canards obtus qui comprennent rien à la poésie libertaire.
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C
Hum...Tu veux dire la Mer Rouge sans doute.Parce que pour rejoindre la mer noire en ligne droite en partant du Maroc il faut traverser la Méditerrannée, l'Italie, la Grèce et la Bulgarie...
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